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Transformation : Est-il possible de réussir sans Leadership ?

« Lean-Agile Leadership » est l’une des compétences que Scaled Agile Framework (SAFe) décrit comme catalyseur pour les six autres compétences. Elle doit sa particularité au fait que c’est grâce à elle que les entreprises arrivent à déclencher leur transformation et à créer un environnement propice à sa réussite. Mais de quoi s’agit-il plus exactement ? Est-ce qu’une forte volonté et un engagement sur la qualité et la productivité ne suffiraient pas pour transformer son organisation ? Pourquoi avons-nous besoin d’appréhender ce fameux leadership ?

L’objectif de cet article est de tenter de trouver la réponse en me référant à ce que SAFe nous en dit. Je vais utiliser le terme « Leadership » comme synonyme du « Lean-Agile Leadership ».

« Nous préférons des leaders » !

Après des années significatives et une véritable explosion des transformations Agiles, la notion de leadership est devenue largement connue, comprise, et incarnée par la plupart des entreprises. Mais est-ce que cette affirmation est si vraie que cela ? Il suffit de quelques recherches sur Internet pour tomber rapidement sur un débat éternel : managers versus leaders. De qui avons-nous le plus besoin ? Or ce sujet sans fin semble être malgré tout résolu… « Nous préférons des leaders » !

Les caricatures des managers qui imposent sans jamais écouter, qui contrôlent, qui prennent les décisions par rapport à leur intérêt personnel sont largement opposées aux personas des leaders bienveillants, toujours à l’écoute, qui donnent l’exemple et qui font grandir leurs équipes. Les illustrations sont habituellement très bien faites, mais après tout cette vision noire et blanche ne vous semble-t-elle pas trop exagérée ? Est-ce que d’après vous il faut vraiment renoncer à tout dans le management traditionnel ?

John Kotter, professeur de Harvard, dans son bestseller « Leading change » clarifie que « le leadership et le management sont deux fonctions différentes et complémentaires qui, chacune, ont leurs activités propres ».Selon cette définition, ceux qui comparent si vivement le management et le leadership s’autorisent à comparer des choux et des carottes. Le management fait référence à l’organisation et à la gestion. Son rôle est de gérer la complexité au sein de l’organisation.

Les managers qui s’appuient sur la maîtrise d’un certain nombre d’outils garantissent que les choses sont bien faites. Différemment dit, ils « font tourner la barraque ». Grâce à leur travail les entreprises ont des services efficaces, arrivent à gérer des contraintes réglementaires, arrivent à structurer et à contrôler.

D’ailleurs dans ses recommandations SAFe souligne le rôle essentiel des managers. Le framework indique clairement leurs responsabilités dans le guidage de la transformation et le soutien permanent à la performance de l’organisation!

Et c’est à ce moment-là que nous devrions introduire la notion du leadership… car « Lean Agile leadership » est une compétence qui décrit « comment conduire et soutenir le changement organisationnel (…) ». Il complète l’ensemble des compétences des managers en leur permettant de revoir leur posture, de se tourner vers le futur et de diriger efficacement leurs entreprises dans des conditions de marché volatile (appelé le monde VUCA). C’est une des raisons pour laquelle nous parlons autant de leadership dans le contexte actuel ou le rôle et les responsabilités des managers évoluent.

Nous avons besoin d’un nouveau style de management capable d’accompagner l’optimisation des organisations. Pour que le changement permanant entre dans l’ADN d’une entreprise, elle va d’abord devoir s’assurer qu’elle a bien appris cette nouvelle compétence.

Oui…le leadership ça s’apprend !

Pour certaines personnes le fait d’avoir du leadership sera inné mais d’après Liz Ryan, spécialiste du développement personnel, contrairement à ce que nous pouvons croire le leadership peut aussi être travaillé et amélioré au fil du temps. Un bon leader se démarque naturellement grâce à ses qualités humaines et professionnelles lui permettant de diriger son organisation vers son état futur.

SAFe regroupe ces qualités grâce aux trois dimensions qui peuvent servir de fil conducteur à ceux qui veulent se transformer en excellents leaders :

  1. Donner l’exemple
  2. Adopter l’état d’esprit lean-Agile
  3. La conduite du changement

Les compétences de leadership s’acquièrent par l’expérience et il existe des outils pouvant aider à exercer plus de leadership. Par la suite je vais essayer de rappeler certains d’entre eux à travers chacune des dimensions du leadership.

Pour réussir sa transformation, pourquoi est-il nécessaire de faire preuve d’exemplarité ?

La transformation Agile est avant tout une transformation culturelle et un passage vers une culture orientée performance (culture générative selon Westrum). Pour faire évoluer la culture existante il faut d’abord créer et ancrer de nouvelles habitudes. Les postures reflétant l’expression « Faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais »ne pourront jamais fonctionner ici car elles ne mobiliseront pas les gens à sortir de leur zone de confort. Cela serait plutôt « Incarne le changement que tu veux voir dans ce monde (Gandhi) ».

Les leaders ont besoin d’adopter une posture qui inspirera l’organisation à rechercher une meilleure façon de travailler et qui permettra aux autres d’en prendre exemple. La liste des comportements exemplaires pourrait être très longue mais voici quelques indices qui nous permettent de remarquer tout de suite quand nous avons affaire à un bon leader.

Les leaders parlent toujours avec authenticité et ils encouragent la transparence en disant la vérité. Ils sont honnêtes et fidèles à leurs croyances ce qui inspire la confiance des autres.

Ils ont de fortes compétences comportementales et humaines (les soft skills) entre autres :

  • L’empathie (capacité à comprendre la réalité de l’autre),
  • L’audace (capacité à oser) car « Il est plus facile de demander le pardon après, que la permission avant » selon Grace Hopper,
  • La communication (capacité à faire passer le message que l’on souhaite faire passer) simple qui évite les éléments de langage incompréhensibles qui peuvent intimider les interlocuteurs plutôt que de les rassurer.

Les leaders créent l’environnement propice à l’innovation ce qui encourage les équipes à s’épanouir en produisant de la valeur. Ils donnent le droit à l’erreur car ils voient les échecs comme des opportunités d’apprendre. Ils ouvrent la voie vers l’organisation apprenante qui « apprend de son expérience et tire les bénéfices des compétences qu’elle acquiert » tout en apprenant en continu par eux mêmes.

👣 Les communautés de pratiques sont un exemple de la mise en place concrète pour permettre aux compétences d’évoluer naturellement. Alors lancez des communautés !

Les bons leaders rendent le pouvoir à ceux qui produisent. Ils savent déléguer. Et ils ne le font pas pour se débarrasser d’une tâche parce qu’ils n’ont pas le temps ou l’envie de s’y consacrer. Ils délèguent l’autorité de la prise de décision au plus près du terrain aux personnes qui ont les compétences et le niveau d’information nécessaire et suffisant.. Ils le font en donnant une vision et en accordant aux équipes leur confiance pour la réaliser. N’oublions pas que la délégation est un transfert de la décision, de l’action et de la responsabilité. Sans ces trois critères nous ne sommes pas dans l’acte de délégation.

En revanche, il est important de s’assurer que les délégataires ont le bon niveau d’information et les compétences nécessaires pour prendre des décisions en toute autonomie. Aider ses équipes à développer leurs compétences est le premier défi du manager leader. C’est ce qui lui permet de bâtir des équipes performantes et de faire grandir les gens.

👣 Les outils intéressants à connaitre : le Tuckman Model (pour comprendre et identifier les étapes clefs de la performance d’une équipe), la matrice de décision (pour déterminer les décisions à déléguer), le Delegation Poker (pour déterminer le niveau de délégation), la matrice de compétences (pour cartographier les compétences disponibles et celles souhaitées), le coaching (poser des questions pour pousser l’action).

Quel état d’esprit faut-il adopter pour réussir sa transformation ?

Le contexte moderne nécessite une mentalité qui peut être très différente des approches passées. Cette nouvelle mentalité est caractérisée par une croyance que le changement est possible. Le passage d’un « fixed mindset », selon lequel nos qualités et notre intelligence ne peuvent pas changer, vers « growth mindset », est la clé de la réussite selon le Dr Carol Dweck.

👣 Quelques astuces de langage et questions type peuvent être un bon point de départ pour s’entrainer et s’orienter vers l’état d’esprit de croissance. Expérimentez avec les questions comme : « Qu’avez-vous appris récemment ? », « Quoi de mieux depuis la dernière fois ? », « Qu’est-ce que les personnes de votre entourage vous ont vu faire différemment ? ». Posez-les régulièrement lors de vos réunions et observez si quelque chose commence à changer dans le comportement des participants.

L’autre aspect important de l’état d’esprit Agile est une ouverture à la possibilité que les pratiques existantes du management traditionnel doivent évoluer. Parlons d’un exemple concret. Aujourd’hui la plupart des cadres dans des entreprises du tertiaire sont des « knowledge workers » (Peter F. Drucker). Un « knowledge worker » est quelqu’un qui connait son travail mieux que son manager (l’expert IT est un excellent exemple) et dont le travail est de résoudre les différents problèmes dans l’organisation. Il est là si un problème persiste.

Les managers doivent apprendre à travailler avec ces profils, comprendre leurs motivations et accepter que certains outils et pratiques de management traditionnel vont finir à la poubelle. Le fait de vouloir contrôler la durée de travail pourrait être un bon exemple. Ce n’est pas parce que nous allons occuper un employé à 100% qu’il sera plus efficace. Imaginons un chirurgien qui travaille à l’hôpital et qui opère les patients qui en ont besoin. Serait-il judicieux de surveiller le temps pendant lequel notre chirurgien opère les patients ? L’efficacité n’est pas proportionnelle au temps d’occupation !

Les leaders le savent. Ils font confiance à leurs équipes et ils en donnent la preuve en supprimant les procédures et les formes de contrôle lourdes, inutiles et démotivantes.

👣 L’exercice Moving motivators créé par Jurgen Appelo est un outil pour comprendre la motivation intrinsèque (motivé par des récompenses internes contrairement à la motivation extrinsèque qui est motivée par une contrainte extérieure selon le principe de « carotte ou bâton ») de ses collaborateurs.

Les leaders doivent comprendre, s’approprier et incarner les valeurs et les principes Lean-Agile (maison du lean, manifeste Agile, principes SAFe) et, dans le cadre de leurs activités professionnelles quotidiennes, les enseigner aux autres. Ce sont eux qui vont en premier modéliser la norme des comportements attendus dans toute l’organisation à travers leurs croyances, décisions et actions.

Je ne vais pas décrire tous ces concepts ici. Des articles très détaillés à ce sujet sont mis à la disposition par Scaled Agile Framework. Je vous invite également à revoir la bibliothèque des articles d’experts d’Inspearit.

Comment donner la vision et gérer le changement organisationnel ?

Il ne suffit pas que les managers soutiennent la transformation depuis les couloirs. En tant que leaders ils doivent être disponibles et diriger activement la transformation en créant l’environnement, en préparant les gens et en fournissant les ressources nécessaires pour atteindre les résultats souhaités.

En citant Edwards Deming « cette responsabilité des managers ne peut pas être déléguée » (car seuls car) c’est la responsabilité première des managers que d’optimiser la performance de l’organisation mise en place pour construire les produits et services qui apporteront de la valeur aux clients et utilisateurs.

Les leaders pilotent le processus de changement grâce au développement des compétences comme savoir créer et communiquer la vision, expliquer « le pourquoi » de la transformation, assurer la sécurité psychologique et créer une coalition de personnes partageant le même sentiment d’urgence.

👣 Voici quelques outils à ne pas sous-estimer : l’Elevator Pitch (pour donner une vision synthétique et pour expliquer en quoi notre idée est différente), l’lmprovement Kata (pour définir des objectifs d’amélioration continue ambitieux et les étapes pour y parvenir), les OKR (pour aligner et engager ses collaborateurs sur des objectifs communs et censés), l’Horizons Roadmap (pour gérer le futur sans oublier le présent).

L’adoption de l’Agilité n’a pas seulement un impact sur les collaborateurs d’une entreprise, mais surtout sur son management. L’Agilité fait beaucoup évoluer le rôle du manager et c’est peut-être ce qui nous a conduit quelque part vers le duel management vs leadership. Le temps est néanmoins venu de sortir de cette vision caricaturale.

Le Leadership n’est pas opposé au management traditionnel. Il s’agit de deux ensembles de compétences différents et complémentaires et les entreprises vont toujours avoir besoin d’un peu des deux. Comme dans le management situationnel l’efficacité du manager dépendra de sa capacité à mettre le curseur au bon endroit et d’adapter « la dose de leadership » qui convient le mieux à la situation et au besoin en termes de changement.

Avant tout la transformation Agile nécessite un changement des valeurs et des comportements à tous les niveaux de l’organisation et pour la réussir un fort leadership est essentiel. Les deux premières étapes de l’implémentation du SAFe ne peuvent pas être négligées.

Former les dirigeants et les managers sur le leadership Lean Agile est primordiale pour leur permettre de guider et accompagner le déploiement progressif des pratiques Lean Agile à l’échelle de l’entreprise et de prospérer (business agility).

Mes inspirations :

John Kotter « Leading Change »,

Peter F. Drucker « Knowledge-Worker Productivity: The Biggest Challenge »,

Carol Dweck « Mindset: The New Psychology of success »,

L. David Marquet « Leadership is Language: How Small Changes in What You Say Can Make a Huge Difference to Your Team’s Results»,

L. David Marquet « Comment créer des leaders ».

Scaled Agile Framework

Par Barbara Baster, Consultante senior.

Publié le 23/05/2022