OKR : mise en oeuvre dans une grande entreprise
Les Objectifs and Key Results (OKR) sont une approche permettant d’aider les entreprises à mettre en œuvre leur stratégie et à créer de l’alignement, de l’engagement et de la focalisation autour d’objectifs mesurables à tous les niveaux de l’entreprise.
La première partie de l’article, est consacré à une description détaillée de ce que sont les OKR. La deuxième partie de l’article adresse un retour d’expérience de la mise en œuvre des OKR dans une grande entreprise du CAC 40, non seulement en tant que mécanisme d’alignement par les objectifs mais également en support à l’allocation des budgets aux différents portefeuilles avec un mécanisme de type Participatory Budgeting.
Que sont les (OKR) et les bénéfices de leur mise en œuvre ?
Historique
Le développement des OKR est attribué à Andy Grove qui a introduit l’approche chez Intel. Les OKR ont ensuite été déployés chez Google par John Doerr et font désormais partie de la culture de l’entreprise. Depuis, de nombreuses autres sociétés les ont adoptés avec succès.
A quoi servent les OKR ?
Les OKR sont utilisés pour aligner les efforts de l’entreprise sur ses ambitions stratégiques et pour encourager une culture axée sur les résultats. Ils permettent de se focaliser sur ce qui apporte le plus de valeur, ce qui a le plus d’impact en lien avec la stratégie de l’entreprise.
Quelle définition pour les Objectifs ?
Les Objectifs sont des ambitions inspirantes que se fixe l’organisation. Ils ne correspondent donc pas à du Business As Usual. Ils sont orientés résultat et non action. Par convention, ils ne sont pas quantifiés car la quantification est exprimée au niveau de leur Key Results.
Puisqu’ils doivent inspirer l’ensemble de l’organisation, il est fondamental que les OKR soient communiqués de manière transparente.
Il est également fortement recommandé de limiter le nombre d’Objectifs ce qui permet de se focaliser sur ce qui est vraiment important pour l’organisation. Cette limitation permet aussi de limiter le WIP (Work In Progress) inféré par les Objectifs et donc d’améliorer l’efficacité et le Time To Market.
Vous trouverez ci-après, deux concepts avancés, que vous pouvez ignorer si vous souhaitez aller à l’essentiel :
- Il n’est pas interdit d’identifier des Objectifs ambitieux voire des Objectifs carrément challenging (les « Moonshots » – objectif Lune) afin de tirer l’organisation vers le haut. Bien sûr, l’objectif ce n’est pas que que tous ces Moonshots soient atteint à 100%. Une cible de 60 à 70% est un bon objectif. En revanche, c’est bien l’objectif d’atteindre à 100% les Objectifs plus standards, les Roofshots.
Afin d’éviter le surmenage et la démotivation des équipes, Google préconise d’avoir une distribution de 30% de Moonshots et de 70% de Roofshots. - Google prône une démarche 70 /20/ 10 permettant de laisser de la place au long terme et à l’innovation afin de préparer le business de demain. C’est exactement ce que propose le modèle SAFe avec le concept d’investissement par Horizon où l’horizon 1 (investissement dans les solutions en cours de développement) correspond à la première tranche des objectifs de Google, l’horizon 2 (investissement dans de nouvelles solutions émergentes et prometteuses) correspond à la deuxième tranche et l’horizon 3 (investissements dédiés à la recherche de nouvelles solutions potentielles) à la troisième tranche.
Bien sûr la partition 70/ 20/ 10 est fonction du secteur économique et du degré de concurrence. Mais ceci veut dire que le nombre d’Objectifs ne doit pas être trop faible de manière à ne pas se focaliser uniquement sur le court terme. De 3 à 5 Objectifs est généralement un bon compromis.
Les Key Results
Afin de caractériser et de mesurer l’atteinte de ces Objectifs, nous identifions des Key Results permettant de mesurer une facette de l’atteinte de l’Objectif. Les Key Results sont orientés outcome et non output : ils permettent de mesurer les bénéfices apportés et non les livrables produits. Les Key Results doivent être mesurables et une cible quantitative doit être identifiée pour une date cible donnée. Comme le disait Marissa Meyer de Yahoo « it’s not a key result unless it has a number ».
En général, plusieurs Key results sont nécessaires pour adresser toutes les facettes de l’Objectif et le mesurer suivant des angles de vue complémentaires. Il est préconisé de définir 2 à 5 Key Results par Objectif.
Veiller également ne pas introduire trop de Key Results que l’on ne sait pas mesurer aujourd’hui. D’une part, la mise en place de toute mesure prends du temps, et d’autre part, la valeur de référence ne sera pas connue.
Il peut s’avérer également crucial d’ajouter des mesures permettant de s’assurer que l’atteinte d’un Objectif n’engendre pas d’effets de bord indésirables. Par exemple qu’une réduction des coûts n’engendre pas une baisse de la qualité.
Il est par ailleurs évidemment recommandé de favoriser des indicateurs précurseurs plutôt que des indicateurs ne pouvant être mesurés que sur le tard afin de favoriser la réactivité et de s’assurer au plus tôt que l’organisation est sur la bonne voie.
Utilisation des OKR à plusieurs niveaux de l’organisation
Les OKR peuvent être également définis à plusieurs niveaux de l’organisation. Ce qui est important dans le modèle est que les Objectifs d’une structure organisationnelle de niveaux n+1 ne sont pas fixés par les managers de la structure organisationnelle de niveau n à laquelle elle est rattachée.
Chaque structure organisationnelle de niveau n+1 :
- Propose des Objectifs permettant de contribuer aux Objectifs de niveau n ;
- discute avec le niveau n pour s’aligner et identifier les Objectifs les plus pertinents permettant de répondre aux Objectifs de niveau n ;
- ceci induit potentiellement un ajustement ou des nouveaux objectifs de niveau n.
Contrairement à une approche purement top-down, cette approche bidirectionnelle permet de gérer des organisations et des systèmes complexes puisque c’est la structure organisationnelle concernée qui est la plus à même d’identifier des Objectifs qui font sens et qui contribuent aux Objectifs de plus haut niveau. Ce n’est pas complétement une gestion décentralisée de la complexité, mais c’est un bon compromis permettant de mettre en œuvre la vision en profitant de l’intelligence collective à tous les niveaux.
L’approche a également l’avantage de laisser de l’autonomie tout en contribuant à la vision, ce qui soutient la capacité d’innover et la motivation des membres de l’organisation.
D’autre part, les Objectifs sont supportés par des initiatives (Epics SAFe ou projets) qui sont les actions permettant d’atteindre ces Objectifs. Il est donc intéressant de gérer la traçabilité entre les OKR et les Initiatives. Pour autant toute initiative n’est pas liée à un Objectif and Key Result puisque que les Objectifs ne représentent que les ambitions majeures de l’organisation.
Nous venons de voir la structure des OKR. Mais il convient bien sûr de mettre en place une gouvernance permettant de les mettre en œuvre. Typiquement, des cérémonies cadencées permettant d’identifier et suivre les OKR.
Depuis la version 5.0, SAFe inclut le concept d’OKR au niveau des ‘Strategic Themes’ de niveau Portefeuille mais aussi au niveau entreprise si l’entreprise à plusieurs portefeuilles. L’approche OKR est donc pleinement intégrée à SAFe.
Retour d’expérience d’utilisation des OKR dans une grande entreprise du CAC 40
Déploiement des OKR en tant que mécanisme d’alignement par les objectifs
Dans l’organisation pour laquelle je travaille, nous déployons actuellement les OKR sur le périmètre B2C sur trois niveaux hiérarchiques :
- Les OKR stratégiques au plus haut niveau de l’organisation B2C ;
- les OKR de niveau Lean Portfolio Management (LPM), déployés sur une dizaine de LPM ;
- et enfin en optionnel des OKR de niveau Agile Release Train.
Tous ont un horizon de temps annuel, les OKR de niveau LPM ou train, pouvant être ajustés trimestriellement.
Pour assurer ce déploiement, nous nous sommes appuyés sur l’organisation et les mécanismes en place pour accompagner la mise en œuvre de l’agilité à l’échelle. La décision de mettre en œuvre des OKR a été prise au printemps 2022 puis successivement les OKR stratégiques puis les OKR de niveau LPM ont été définis.
Aussi bien au niveau stratégique qu’au niveau LPM, le suivi des OKR s’appuie sur les comités existants : les comités stratégiques et les Business Review au niveau B2C et les revues stratégiques de portefeuille au niveau LPM. D’autre part, au niveau B2C, nous avons définis des rôles et responsabilités pour le suivi de chaque OKR.
Clairement le déploiement est un succès : les OKR font désormais partie du paysage et les bénéfices sont au rendez-vous. A tous les niveaux, les objectifs sont partagés ce qui est vécu de manière très positive par les équipes, les trains et les LPM : « Enfin la stratégie de l’entreprise est déclinée et partagée ! ». C’est encore un peu tôt pour le dire, mais outre l’alignement, il est fort probable que la satisfaction et l’engagement des collaborateurs soient augmentés. Nous notons également une meilleure coordination entre les LPM qui partagent des objectifs communs.
Néanmoins et c’est normal compte tenu de la jeunesse de la mise en œuvre, certains points restent à améliorer :
- Les OKR définis ont tendance à couvrir l’ensemble des activités de l’organisation y compris certaines activités que l’on pourrait sans doute qualifier de business as usual. Certes c’est une question de curseur mais cela engendre un nombre important d’OKR et donc potentiellement une perte de focus.
- Tous les OKR ne sont pas définis avec le formalisme recommandé par la théorie. Certains objectifs sont chiffrés alors que la quantification devrait être portée par les Key Result, la formulation de certains objectifs pourrait être plus inspirante. Certains Key Result sont d’ailleurs plus des sous objectifs qu’une mesure de la facette de leur objectif. Néanmoins malgré les quelques exceptions citées, le résultat est déjà de très bonne qualité.
- Enfin le référentiel des OKR est pour l’instant un mixte de JIRA, de PowerPoint et d’Excel mais nous avons l’ambition que la structure des OKR et la traçabilité avec les initiatives soient gérés dans JIRA et qu’un outil interfacé à JIRA en permette le suivi.
Utilisation des OKR en support à l’allocation du budget aux différents portefeuilles avec un mécanisme de type Participatory Budgeting
Dans l’organisation pour laquelle je travaille, les OKR ont été déployés non seulement en tant que mécanisme d’alignement par les objectifs mais également en support de l’allocation aux différents portefeuilles du budget B2C disponible pour le développement des solutions.
Pour ce faire, nous avons organisé un atelier d’une demi-journée de type participatory budgeting incluant la direction de niveau B2C et les représentants des différents LPM. En tout une soixantaine de participants regroupés en cinq tables de douze personnes.
Au préalable de cet atelier :
- Les OKR de niveau LPM avait été définis et liés aux OKR stratégiques
(en gardant la possibilité de définir des OKR locaux non liés aux OKR stratégiques) - Le budget requis pour adresser chaque objectif de niveau LPM avait été estimé.
La cérémonie a consisté à identifier les OKR qui apportaient le plus de valeur à l’organisation B2C en réalisant des renoncements afin de rester dans le budget disponible.
Ceci a inféré mécaniquement une allocation des budgets aux différents portefeuilles sans descendre au niveau de maille des initiatives.
L’exercice a clairement été un grand succès, le budget ayant été ventilé en prenant en compte une priorisation des ambitions avec un consensus des différentes parties prenantes.
En axe d’amélioration pour la prochaine session, nous nous efforcerons d’améliorer la prise en compte des impacts capacitaires. Ceci n’est pas si évident que cela peut en avoir l’air, dans le sens ou un LPM pour atteindre ses ambitions peut avoir besoin de la contribution de chaines de développement situées dans le périmètre d’autres LPM.
Quoi qu’il en soit, les OKR ont été la pierre angulaire de cette cérémonie fort réussie.
Conclusion
La méthode OKR est un outil exceptionnel pour décliner la stratégie d’une organisation en créant de l’alignement à tous les niveaux.
Néanmoins, même si les concepts sont simples, leur mise en œuvre n’est pas triviale et inspearit se propose de vous accompagner pour la mise en œuvre de ce challenge.
N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus ou inscrivez-vous à la formation OKR – Objectives and Key Results : Manager par l’engagement et le sens – Inspearit – France
Stéphane Déprès, Coach Agile