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Lean management sur les projets : anticiper et déployer une politique RH !

Cette série d’articles nous aura permis d’illustrer en quoi le Lean est indispensable aux équipes projet pour réussir et comment il se déploie autour du management visuel. Nous ne pouvions conclure ce dernier article sans évoquer l’importance de préparer, au niveau RH, le déploiement d’une démarche Lean.

« Gouverner, c’est prévoir ; ne rien prévoir, c’est ne pas gouverner. » Si nous adaptons cette citation d’Emile de Girardin au management de projet, elle devient « Piloter un projet, c’est prévoir ; ne rien prévoir, c’est ne pas piloter. » En faisant cela, nous voulons insister sur le fait que la prévision, l’anticipation sont au cœur de l’activité de projet [2] et montrer comment le management visuel permet de gérer efficacement l’anticipation.

Le management visuel pour anticiper et réduire les risques

La notion d’anticipation renvoie à notre rapport au temps du projet. Anticiper traduit le fait d’agir avant, de prendre les devants : agir avant qu’il ne soit trop tard, agir quand il est encore temps, agir quand on a encore le temps.

Dans un projet, le principal risque de l’équipe de pilotage est de perdre le contrôle, c’est-à-dire de ne plus être maître des événements et les subir, avec un sentiment d’impuissance. En pareille situation, l’expression « avoir le nez dans le guidon » est souvent utilisée. Elle est le signe précurseur de graves dangers. Quand on a le nez dans le guidon, on ne peut rien voir venir et dès le premier aléa, c’est la sortie de route. Quand l’équipe projet a « le nez dans le guidon », son activité se résume à réagir aux risques avérés, à traiter les incidents et les crises associées. Le projet devient un enfer et le stress gagne les équipiers.

Beaucoup d’entre nous ont vécu ou assisté à ce type de situation où l’équipe n’a plus le temps de prendre le temps, pour regarder plus loin que le quotidien. Les symptômes sont connus et se multiplient : retard, panique, stress, jalons et engagements non tenus… Tout devient difficile et tout est géré dans l’urgence, à la dernière minute. L’équipe passe son temps à justifier ses retards et cherche en permanence à gagner du temps, en réduisant la qualité, la conformité, les contrôles, les tests…

Piloter avec une double vue

Le management visuel est idéal pour éviter cet écueil et faire en sorte que l’équipe projet puisse piloter avec cette double vue : sur le court terme (ce qu’on fait en ce moment) ; sur le moyen / long terme (ce qui va arriver dans quelques semaines ou quelques mois). Cela est rendu possible pour deux raisons. Premièrement, parce que les panneaux réservés au plan d’action sont structurés en deux niveaux : le plan d’action / court terme ; la vision des jalons et des rendez-vous moyen / long terme. Deuxièmement parce que les rituels d’animation intègrent l’obligation de faire systématiquement le lien entre le futur et le présent : dois-je faire / prévoir des actions pour tenir tel jalon ; comment dois-je m’organiser dès maintenant pour produire tel rapport ; comment dois-je mobiliser tels acteurs pour garantir le livrable…

En pratiquant ainsi, l’équipe se donne les moyens d’éviter le cycle infernal du « nez dans le guidon ». À tout moment elle s’oblige, grâce au management visuel, à penser au moyen / long terme et conserve sa capacité à anticiper.

Nous aurions pu achever ce panorama sur cette belle conclusion. Mais nous aurions alors omis l’essentiel : tout ce que nous avons présenté et expliqué au cours de ces 5 articles n’est possible que si la démarche Lean est préparée et accompagnée au niveau RH.

Une fonction RH acteur clé du déploiement

Pour que tout cela fonctionne, pour que l’équipe projet pratique le Lean management au quotidien et en recueille les fruits, il faut préparer et accompagner les équipes à travailler comme cela. Déployer une démarche Lean ne se résume pas à comprendre une technique ou maîtriser un « outil ». Cela suppose de travailler différemment, de définir de nouveaux rôles, d’acquérir de nouveaux réflexes et de nouveaux comportements. Déployer une démarche Lean management revient à réaliser une véritable transformation au niveau RH, qui doit être anticipée : au niveau du top management, au niveau du chef de projet, au niveau de la Qualité, au niveau des acteurs (rôle, compétences, attitudes…), au niveau de l’identification des talents…

On ne pratique pas du Lean management en improvisant. Cela s’anticipe et s’inscrit dans une politique RH d’entreprise, qui comprend : la revue des compétences des personnes, la cartographie des emplois et des compétences, la définition d’une feuille de route et la mise en œuvre d’un plan de développement des compétences. En particulier, la fonction RH doit s’assurer que les modes de fonctionnement et les attendus soient clairement définis et partagés avec tous. Elle doit également veiller à ce que la déclinaison des objectifs collectifs et individuels soit le reflet des enjeux de la transformation, en prenant en compte les incertitudes de la période transitoire entre les modes de fonctionnement.

Sens de l’écoute, leadership, sens du collaboratif…

Pratiquer et déployer le Lean management ne se résume pas à l’acquisition de compétences techniques via des formations. Les formations « techniques » sont nécessaires mais pas suffisantes. En réalisant une cartographie des compétences, on réalise que le Lean management requiert beaucoup de compétences relationnelles (soft skills). Citons par exemple : sens de l’écoute, leadership, sens du collaboratif, empathie, transparence, confiance, bienveillance, convivialité, esprit d’équipe… Ces compétences sont à développer au rythme du déploiement de la démarche Lean, en commençant par les dirigeants de l’entreprise.

Par ailleurs, la fonction RH doit contribuer à la cohérence de l’ensemble du dispositif, et surtout s’assurer de la pertinence du chemin pris pour atteindre la cible. Elle doit récolter et traiter les signaux faibles des difficultés inhérentes à la transformation, tant pour limiter les risques psychosociaux inhérents à tout changement profond des modes de travail (surtout quand on utilise le mot Lean), que pour contribuer à la réussite du déploiement opérationnel du Lean Management.

Autrement dit, si le Lean est un levier majeur de performance pour l’entreprise, et notamment pour l’activité de gestion de projet, pour tirer pleinement profit du Lean, il faut l’intégrer profondément dans la stratégie RH de l’entreprise.

Cf. nos précédents articles[1] : « Pourquoi déployer le Lean management dans les programmes ? », « Le management visuel pour booster les équipes projet et rester aligner sur les enjeux et les objectifs », « Management visuel sur les projets : un levier pour le management d’entreprise » et « Management visuel sur les projets : un levier inédit pour dépoussiérer et remettre la Qualité dans le jeu » parus respectivement le 15/09/21, le 12/10/21, le 16/11/21 et le 13/12/21 dans RH Info.

[2] Dans l’article, nous parlons indifféremment de projet ou de programme.

Par Christophe Coupé (Directeur) & Pierre-Louis Bergier (Principal)

Publié le 15/01/2022