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Organisation Produit : la relation entre User Research et maturité UX

Les métiers de l’UX évoluent comme en témoigne la percée sur le marché français des métiers de product designer, designer ops, de user researcher ou encore researcher ops. Dans le sillon du design thinking, le discovery est sur toutes les lèvres et décliné à toutes les sauces : littérature, podcasts, conférences et rencontres professionnelles. Des tendances qui mettent au défi les organisations Produit des grands groupes et orientent les projecteurs sur les activités de User Research. Résultat : les demandes d’études explosent en interne. Souvent utilisées pour évaluer la maturité UX d’une organisation, le volume d’études réalisées est à analyser avec un esprit critique pour démêler les indicateurs « à valeur » des facteurs toxiques. Derrière un chiffre se cachent des réalités complexes et différentes.

Pourquoi fait-on de la User Research dans une organisation Produit ? 

Pour commencer, interrogeons-nous sur la raison d’être de la User Research quand elle est intégrée dans une organisation Produit. Pourquoi le Produit s’appuie sur la User Research ? Pour quoi faire ? Prendre des décisions. 

Détecter, comprendre, mesurer

Dans une organisation Produit, la User Research est un exercice de consultation des utilisateurs dont les objectifs sont la détection, la compréhension et la mesure des risques et opportunités. Menée en exploratoire, elle doit alimenter la vision Produit du product manager et la construction de la stratégie. Pour les product designers, c’est un moyen de comprendre les « vrais » problèmes à résoudre et autant de clefs pour aider à concevoir des solutions désirables. Sur les phases avales des démarches de discovery, la User Research est en appui de la construction et de la priorisation des roadmaps Produit en éclairant les arbitrages. 

Pour un product manager, consulter ses utilisateurs ne doit pas être une façon de se déresponsabiliser. Les enseignements des études ne sont pas des réponses Produit. La User Research renforce en réalité le leadership Produit en permettant d’assumer des décisions en connaissance de causes. Elle est grande la responsabilité de celui qui sait  ! 

La User Research dans une organisation Produit  : activer plutôt qu’accumuler !  

Penser l’expertise de la User Research en chaîne de valeur avec les expertises design, product et tech, c’est penser la concrétisation de sa valeur dans la collaboration et la complémentarité. Quand elle est intégrée dans une organisation Produit, la User Research ne doit pas être une finalité en soit. Isolée elle ne crée pas de valeur pour l’organisation. Pour reprendre une expression galvaudée : « ce qui compte, c’est ce qu’on en fait ». C’est pourquoi l’augmentation du nombre d’études n’est pas un indicateur fiable de la maturité UX d’une organisation Produit. 

Pour un temps passé X, combien d’enseignements Y mon organisation a-t-elle in fine activé ?

La User Research doit alimenter sainement « l’obsession » des organisations Produit de « délivrer en continu le maximum de valeur à l’utilisateur ». Mieux que la production d’enseignements, l’enjeu pour la User Research dans une organisation Produit est celui de son retour sur investissement (ROI). Pour un temps passé X, combien d’enseignements Y mon organisation a-t-elle in fine activé ? Améliorer ce ROI passe en premier lieu par la chasse au gaspillage. 

User Research : ne pas collectionner les enseignements

Prenons la métaphore du moteur et de son carburant. Ici, le moteur c’est votre démarche de discovery, et le carburant les enseignements issus de vos user research. Pour arriver à destination, vous avez besoin de carburant certes mais surtout de suffisamment de carburant. Vous êtes cependant limités par la taille de votre réservoir. Acheter plus de carburant que la contenance de votre réservoir est une perte sèche. Avant un trajet, que faites-vous ? Vous vous posez 3 questions : 

  • Combien de km à parcourir ?  
  • Quelle est la consommation au km de ma voiture ?  
  • Combien ai-je d’essence dans mon réservoir ?  

Pour la User Research, les réflexes doivent être les mêmes : cadrer son discovery, connaître sa capacité d’activation et regarder la jauge pour ne pas produire inutilement. Les enseignements des études sont souvent trop peu mobilisés. Organisations, cessez de collectionner les enseignements, transformez-les en décisions ! 

Une analyse approfondie des facteurs qui concourent à l’augmentation des demandes d’études UX est nécessaire pour mieux raisonner leur production au sein de votre organisation Produit. 

Identifier les facteurs de l’augmentation du nombre d’études 

Distinguons ici le « Comment » de l’augmentation des « Pourquoi » qui justifient la réalisation d’une étude.  

Comment votre organisation Produit a-t-elle réussi à produire plus d’études ?  Deux pistes de réponse : 

1ère piste  : plus de pratiquants de User Research

Vous avez pu augmenter votre capacité à produire des études de trois manières : en recrutant de nouveaux UX researchers, en démocratisant en interne certaines activités de User Research – le cas le plus fréquent étant la décentralisation des études dites évaluatives – ou vous avez externalisé en sous-traitant un plus grand nombre d’études. Ces trois leviers ne sont pas des indicateurs d’une évolution de la maturité UX. Cependant la démocratisation allant souvent de pair avec une décentralisation – ou en adoptant un autre point de vue, une relocalisation de la production d’études UX au sein des équipes Produit – elle contribue à intégrer l’UX dans le quotidien du Product. 

2ème piste  : des études moins chronophages

Une bonne étude commence par un bon cadrage. Investir dans le cadrage de chaque étude pour définir un périmètre circonscrit, des hypothèses claires et se poser la question de l’incidence d’un enseignement sur une prise de décision sont autant de clefs de succès pour des études efficientes dans un esprit Lean UX. Vous êtes sur la bonne voie. Oui, votre organisation gagne en maturité UX.

Pour quelles mauvaises raisons votre organisation Produit réalise-t-elle des études ? 

Parmi les erreurs fréquentes, la confusion entre discovery et User Research. La User Research est un outil de la boite à outils du discovery mais c’est un outil parmi d’autres, et en aucun cas une étape systématique et obligatoire qui valide un discovery de qualité.  

Probablement aussi le doublonnage des études en conduisant des études sur des problématiques déjà étudiées. « Vous ne saviez pas que vous saviez. » Des études frénétiques masquent encore trop souvent la faiblesse de la gestion des enseignements en interne. Les études viennent en redite et non enrichir la connaissance. La capitalisation est faible ou inexistante. Finalement, le problème s’accentue en réalisant toujours plus d’études. 

Une maîtrise fragile du Produit conduit aussi à la multiplication d’études de confort motivées davantage par l’objectif de « saupoudrer du verbatim » dans une présentation, ou pour appuyer une argumentation par un gros chiffre – mais une statistique décontextualisée perd son sens. C’est fréquent dans des organisations Produit qui subissent un fort roulement des équipes, ou dans le cas de marchés complexes et fortement concurrentiels où les produits évoluent extrêmement vite. 

La gestion des enseignements : votre défi  

Aujourd’hui dans les organisations Produit, l’enjeu de la User Research n’est pas tant celui de produire toujours plus d’études que celui de générer en flux continu la « juste quantité » d’enseignements pour alimenter les équipes Produit. La gestion des enseignements UX, c’est-à-dire le cycle de vie de l’enseignement depuis sa production jusqu’à son activation en passant par sa mise en commun et son bouturage, devient alors un processus clef de la performance des organisations Produit.  

«  La réponse existe-t-elle déjà  ?  »

Cette « juste quantité » de production d’enseignements commence par un réflexe de capitalisation sur la connaissance existante. En préambule de toute étude, la question : « La réponse existe-t-elle déjà ? » doit être systématiquement adressée. Pour faciliter cette utilisation multiple des enseignements, leur mise en commun avec des modalités adaptées aux fonctionnement et vocabulaire de votre organisation est clef. La base de connaissance est la pierre angulaire de la gestion des enseignements. 

Un bon cadrage ne balaye pas toutes les interrogations

D’autre part, chaque cadrage d’étude doit anticiper l’activation des enseignements. Un bon cadrage ne balaye pas toutes les interrogations, il permet de faire un pas en avant c’est-à-dire de creuser en profondeur une hypothèse donnée. Pour choisir les hypothèses sur lesquelles mettre le poids du corps de la recherche, le user researcher doit être stratège. Pour l’aider : la vision Produit, les objectifs et roadmap trimestriels ainsi qu’une collaboration mains dans la main avec l’équipe Produit. Chaque hypothèse doit être passée au crible des arbitrages qu’elle conditionne. « Si telle hypothèse est confirmée ou infirmée, quelles sont les conséquences ? ». Chaque enseignement doit avoir vocation à déclencher une action. 

Le calcul de ce taux d’activation est simple 

Ainsi la maturité UX d’une organisation Produit se mesure plus finement à l’aune de l’activation des enseignements issus des études UX et non au nombre d’études conduites. Le calcul de ce taux d’activation est simple : nombre d’enseignements produits / nombre de décisions Produit prises sur la base de ces enseignements. 

Oriane Guineau, Consultante

Publié le 21/12/2022