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Business Agility : s’adapter sans cesse pour rester compétitif !

La business Agility est la capacité d’une entreprise à être compétitive en s’adaptant rapidement et avec fluidité aux changements du marché et aux opportunités émergentes. A ne pas confondre avec la notion de business team agility qui est l’Agilité des équipes métiers ou business.

Mettre en place la Business Agility

Pour ce faire, l’entreprise Agile doit acquérir trois caractéristiques clés :

  • La capacité d’identifier les opportunités métiers, les nouveaux produits et services innovants qui lui permettront de rester compétitive et de prospérer.
  • La capacité d’adaptation permanente des éléments qui la constitue que cela soit son organisation, son capital humain, ses processus et ses produits
  • La capacité de mettre en œuvre les nouvelles solutions avec un Time to Market court, en tout cas plus court que celui de la concurrence.

Dans cet article, nous allons présenter pourquoi la business Agility est vraiment nécessaire en faisant le parallèle avec la théorie de l’évolution de Darwin. Nous parlerons également du modèle PESTLE qui décrit les six catégories d’influences macro environnementales qui peuvent influencer une entreprise.

Puis nous adresserons l’organisation nécessaire pour mettre en œuvre la Business Agility en présentant les concepts de Dual Operating System, tout d’abord avec la vision de John Kotter en soulignant l’importance du leardership, puis avec la vision du framework SAFe.

Dans une deuxième partie de l’article, nous vous présenterons une approche innovante s’appuyant sur les concepts développés par John Kotter dans son livre XLR8 et sur l’OpenSpace Technologie afin de faciliter l’émergence d’innovations disruptives au niveau de l’entreprise en utilisant l’intelligence collective.

Dans un article suivant, nous vous présenterons les pratiques supportant la business Agility et le déploiement de l’Agilité aux fonctions support de l’entreprise.

Business Agility : le darwinisme appliqué à l’entreprise

La théorie de l’évolution suggère que toutes les espèces vivantes sont en perpétuelle transformation et subissent au fil du temps et des générations des modifications morphologiques comme génétiques. Ce concept, également connu sous le nom de théorie de la survie du plus apte, a été présenté par Charles Darwin dans son ouvrage L’origine des espèces. Il met en avant la capacité d’un organisme à s’adapter aux changements de son environnement et à s’ajuster en conséquence.

Comment ne pas y voir un parallèle avec les compétences d’adaptation que doivent développer les entreprises pour prospérer dans un monde plein d’incertitude de risques et de menaces ? Il est d’ailleurs amusant de noter que l’on parle souvent de l’ADN d’une entreprise.

Le contexte dans lequel celle-ci évolue aujourd’hui est toujours plus volatil, incertain, complexe et ambigu et rend nécessaire une capacité de transformation permanente et protéiforme.

Pour prendre conscience de l’accélération et de la diversité des champs d’adaptation que doit prendre en compte toute organisation, appuyons-nous sur le modèle PESTLE en illustrant par quelques exemples cette dynamique sur les six catégories d’influences macro environnementales qui peuvent influencer une entreprise.

  • Le champ du Politique adressant la stabilité gouvernementale, la politique fiscale, la protection sociale, le commerce extérieur, le fonctionnement de la justice et de l’éducation, les équilibres nationaux comme internationaux, …
  •  Le champ Économique adressant le cycle économique, l’évolution du PNB, les taux d’intérêt, la politique monétaire, le chômage, les revenus, l’inflation, …  
  •  Le champ Sociologique adressant la démographie, la distribution des revenus, la mobilité sociale, le consumérisme, le niveau d’éducation, l’équilibre loisir / travail.  Par exemple, sujet d’actualité, le télétravail si longtemps rejeté devient un outil de mobilisation et rend à la ville moyenne ses attraits au dépend des grandes agglomérations.
  •  Le champ Technologique adressant les dépenses publiques en R&D, l’investissements privés sur la technologie, les nouveaux brevets ou découvertes, la vitesse de transfert technologique, le taux d’obsolescence, …
  •  Le champ Environnemental adressant les lois sur la protection de l’environnement, le retraitement des déchets, la stratégie énergétique, …
  • Le champ Légal adressant les lois sur les monopoles, le droit du travail, la législation sur la santé, les normes de sécurité, …

Mettre en œuvre l’organisation permettant de supporter la business Agility

Toute entreprise a besoin d’un système managérial lui octroyant de l’efficacité, de la stabilité et le développement du savoir-faire. Ce système managérial souvent organisé par fonction a néanmoins l’inconvénient d’entraver la collaboration nécessaire au développement de nouvelles solutions métier. L’organisation en projets, transverse aux fonctions apporte une première réponse pour optimiser la collaboration, mais n’est pas suffisante pour libérer le potentiel de l’intelligence collective.

Pour être en capacité de s’adapter sans cesse pour rester compétitive, l’entreprise doit retrouver le réseau entrepreneurial dynamique, innovant, enthousiaste, utilisant l’intelligence collective, s’affranchissant des silos et drivée par des leaders qu’elle avait au début de son existence.

En particulier, une organisation alignée sur ses flux de valeurs opérationnelles permet une meilleure collaboration pour développer de nouvelles solutions. 

Le dual Operating System selon John Kotter

John Kotter est professeur à la Harvard Business School et est considéré comme une autorité sur le leadership et le changement au sein des entreprises.

La proposition de Kotter pour atteindre la business agility présentée dans son livre XLR8 (Accelerate) est de mettre en place une organisation duale (que Kotter appelle le « Dual Operating System) en construisant un réseau entrepreneurial tout en gardant le système hiérarchique. Il ne s’agit bien sûr pas de deux structures concurrentes, mais complémentaires, 2 faces d’une même pièce, chacune avec des redevabilités différentes.

Pour John Kotter la mise en place de ce ‘dual operating system’ est basé sur 5 principes et 8 accélérateurs. Pour simplifier voici les points principaux :

  •  Comme l’explique Daniel Pink lors de la conférence TED « la surprenante science de la motivation », des incitations financières pour réaliser des tâches complexes et particulièrement l’innovation sont contre-productives et conduisent à des plus mauvaises performances car elles restreignent notre ouverture d’esprit et la créativité. Les incitations financières améliorent uniquement les performances lorsque les tâches sont simples et mécaniques.

    Ces conclusions qui semblent être à contre-courant de ce qui est généralement pratiqué dans les entreprises sont pourtant démontrées lors d’expériences scientifiques exposées dans la vidéo de Daniel Pink. Au contraire, la motivation intrinsèque boostée par une vision inspirante, le sens et l’autonomie permet de créer de l’enthousiasme et d’obtenir des meilleurs résultats. De là découle l’importance du Leadership dans la mise en place de ce réseau entrepreneurial.

  • Utiliser l’intelligence collective pour leader le cœur de ce réseau : l’idée est de former une ‘guiding coalition’ faite de personnes motivées qui vont insuffler le changement autour d’opportunités stratégiques. Cette guiding coalition doit inclure des personnes d’horizons variés, en termes de domaines, rôles et niveaux hiérarchiques. Cette diversité va non seulement permettre de créer un réseau s’affranchissant des silos, mais aussi de promouvoir l’innovation.

  •  Mettre en place une collaboration forte entre la hiérarchie et le réseau de collaborations et veiller tout particulièrement à supprimer les obstacles, en particulier ceux qui peuvent freiner la collaboration

  • Développer un sens de l’urgence en tant que catalyseur du changement

  • Générer et célébrer des victoires rapides

  •  Institutionnaliser le changement. Concernant cet aspect, il est important de comprendre que la prise de conscience par tout un chacun qu’il peut contribuer à faire changer les choses est un facteur clé de cette institutionnalisation. La théorie de l’impuissance acquise, démontrée par les expériences de Martin Seligman est particulièrement intéressante en la matière.


    Lorsqu’un être humain fait face de façon durable ou répétée à des situations dans lesquelles il ne peut changer les choses, il rentre dans un état psychologique de résignation. Cette impuissance est apprise car elle se généralise même aux classes de situations dans lesquelles l’action du sujet aurait pu être efficace. Pour illustrer ce concept, vous pouvez consulter la vidéo « Quand on veut on peut ? Pourquoi la volonté ne suffit pas toujours »  d’Albert  Moukheiber.

La mise en place progressive du réseau entrepreneurial, de par son exemplarité, permet de briser le cercle vicieux et de changer progressivement la culture de l’entreprise. Les collaborateurs se sentent alors plus libres de changer les choses et d’innover.

Le dual Operating System selon SAFe

SAFe reprend les concepts de John Kotter dans le  Framework : les éléments d’organisation de SAFe (équipes, trains, trains solution et LPM) sont les constituants du réseau entrepreneurial. Ce sont des organisations « virtuelles » décorrélées de l’organisation hiérarchique. L’organisation hiérarchique octroie de la stabilité et contribue à l’efficacité alors que le réseau entrepreneurial peut en théorie évoluer rapidement de façon « organique » pour s’adapter au contexte et innover en créant rapidement la bonne valeur pour les bons clients.

Néanmoins nous avons vu un certain nombre d’organisations qui avaient mis en œuvre cette dualité sans en tirer les bénéfices escomptés. Il y a en effet plusieurs prérequis indispensables :

  • Tout d’abord le dual Operating system SAFe ne fonctionne pas correctement si les processus existants dans l’entreprise viennent freiner le réseau. Par exemple une gestion budgétaire trop contraignante, une gestion de portefeuille avec des jalons cycle en V ou voulant gérer le niveau de maille feature, des procédures trop contraignantes pour modifier les équipes peuvent très vite devenir des freins majeurs.

    Et ceci d’autant plus que le Lean Agile Budgeting et les LPM SAFe ne sont pas forcément les aspects du Framework SAFe déployés en premier. Il est donc indispensable que la structure chargée de supporter le déploiement de l’agilité à l’échelle soit particulièrement attentive à cette problématique.

  •  Une posture managériale trop ‘command and control’ peut également être un frein pour que le réseau collaboratif suscite l’enthousiasme et se développe.  

  • D’autre part, afin que le réseau et la hiérarchie collaborent de manière constructive et pour éviter les jeux de pouvoir de la hiérarchie sur le réseau, il est important de clarifier les responsabilités des deux parties. Voir en particulier l’article de @Ian Spence « balancing the dual operating system » sur le sujet.

Un autre point important mis en avant par SAFe est un alignement des chaînes de développement avec les Flux de valeur opérationnels. Afin d’optimiser le time to market, il semble évident qu’il est intéressant de minimiser le nombre d’Epics cross trains et le nombre de features cross équipes. Mais la problématique est en fait plus complexe puisqu’il est nécessaire de prendre en compte de nombreux autres facteurs comme la stratégie métier, la localisation et l’expertise des équipes, le fait que des composants soient transverses à plusieurs flux de valeur opérationnels…

D’une manière générale, il convient d’identifier la stratégie métier puis d’étudier les axes de découpage organisationnel non seulement au niveau des chaines de développement mais aussi des équipes afin d’optimiser la production de valeur en alignement avec cette stratégie. Une telle optimisation à très large échelle a déjà été réalisée dans des entreprises françaises. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le webinar « Réorganiser les organisations pour optimiser la production de valeur » animé par Stéphane Déprès.

Retour d’expérience de mise en œuvre

Nous allons prendre l’exemple de deux sociétés du CAC 40 dans lesquels les auteurs de l’articles sont intervenus récemment pour accompagner la mise en œuvre d’un « dual operating system ».

La première a mis en œuvre un « dual operating system » tel que préconisé par SAFe sans modifier la structure hiérarchique. La mise en œuvre a été rapide mais la collaboration entre la hiérarchie et le réseau s’avère perfectible en particulier en ce qui concerne l’aspect budgétaire.

La deuxième a aligné sa structure hiérarchique avec le réseau jusqu’au niveau LPM et a basculé en management horizontal en dessous du niveau LPM avec une structure hiérarchique perpendiculaire à la structure d’équipe. Le modèle est efficace mais a demandé un effort de transformation conséquent pour sa mise en œuvre.

Faciliter l’émergence d’innovations disruptives en utilisant l’intelligence collective

La mise en œuvre d’un Dual Operating system tel que décrit dans le livre XLR8 de John Kotter sans pour autant déployer le framework SAFE est tout à fait possible mais l’approche est moins guidée et rodée que celle de SAFe. Nous ne l’envisageons donc que dans deux cas de figure :

  • De manière ponctuelle sur un périmètre où SAFe n’est pas encore déployé
  • Lorsque l’entreprise doit opérer un changement radical de stratégie et/ou de modèle économique et doit donc pivoter pour survivre. Dans ce contexte, l’entreprise doit à la fois garder un pied ancré au sol pour capitaliser sur l’expérience acquise mais doit faire aussi émerger un regard stratégique neuf sur son marché.

Le Dual Operating System de Kotter fait naitre un réseau moins structuré que celui de SAFe mais porté par un esprit entrepreneurial. Il est constitué d’une ‘Guiding Coalition’ formé de leaders et d’une armée de volontaires voulant changer les choses et se focalisant sur des initiatives stratégiques. Petit à petit le réseau grandit jusqu’à s’étendre à toute l’entreprise, formant ainsi un dual operating system constitué d’un réseau s’adaptant rapidement et avec fluidité aux changements du marché et aux opportunités émergentes. 

Pour sa mise en œuvre, nous pensons que l’utilisation de l’Open Space Technologie est une bonne approche car elle permet de libérer l’intelligence collective. De par les mécanismes d’auto-organisation qu’elle promeut, elle s’inscrit tout à fait dans l’esprit de l’approche de Kotter en permettant de retrouver l’esprit entrepreneurial du début.

L’Open Space Technologie permet en peu de temps avec un grand nombre de personnes de traiter une problématique complexe, d’identifier dynamiquement des sous-problématiques nécessaire à la résolution de la problématique principale et d’engager des groupes de travail motivés pour résoudre ces sous-problématiques.

Les auteurs de l’article ont déjà expérimenté cette approche avec des groupes de plus de 100 personnes.

Conclusion

Nous vivons dans un monde complexe, un monde en constante mutation et accélération, un monde dans lequel les entreprises doivent s’adapter rapidement aux changements du marché et aux opportunités émergentes pour rester compétitive voire survivre.

C’est ce que l’on appelle la « Business Agility ». Cela n’est pas facile à atteindre et nécessite un réel savoir-faire en termes de conduite du changement en soutenant continuellement la vision et en associant toutes les parties prenantes de l’entreprise.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la démarche proposée par JP Kotter ou la Business Agility au sens SAFe n’hésitez pas à nous contacter.

Stéphane Déprès et Thibaut Righenzi de Villiers, Consultants Manager Agilité à l’échelle

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Publié le 15/09/2022